Inclusion et classe coopérative : le Conseil
Le témoignage d’une collègue sur une année de Conseils mis à mal par un élève à « trouble du comportement » nous amène à nous questionner sur la place des enfants « différents » dans nos classes. La classe coopérative peut souvent nous aider à mieux inclure, mais à certaines conditions…
Nous, enseignants en pédagogie Freinet, avons des atouts pour accueillir les enfants « différents » ou « difficiles » et c’est pourquoi souvent ils sont affectés de préférence à nos classes, où cela se passe mieux pour eux/elles que dans les classes « normales ». Le travail individualisé, la valorisation des réussites plutôt que la compétition, la place laissée à l’expression et à la création libres… Tout cela offre une place parfois salvatrice aux enfants « qui ne rentrent pas dans les cases » de l’institution scolaire. On constate que la Méthode naturelle aide particulièrement les élèves dys.
De même, beaucoup d’institutions Freinet aident les élèves neuro-atypiques et dys : fichiers autonomes, plan de travail, texte libre, etc. La ritualisation est également quelque chose de structurant et sécurisant pour ces élèves. Nos classes permettent souvent de créer le désir chez les élèves. Dans les classes coopératives, il y a également d’autres formes d’attentes que les attentes scolaires, et ainsi, différentes façons de s’inscrire dans la classe.
Et pourtant… Coopération ou compétition, il arrive qu’un enfant « casse » la classe.
Un élève à « trouble du comportement » peut avoir du mal à investir le collectif, mais il peut aussi au contraire être « surinvesti » dans les institutions de la classe : ceintures, monnaie, exposés, Conseil… Dans ce cas, cet investissement se fait au détriment du groupe, l’individualité prenant le pas sur le collectif.
Que faire alors quand un élève menace par son comportement la vie du collectif ? Quels outils coopératifs peuvent nous aider ?
Une institution qui peut aider à faire médiation entre les attentes de l’enseignant·e et l’enfant difficile, c’est le travail d’équipe avec des « capitaines » ou « responsables » réunis régulièrement, et qui observent le comportement des membres de leur équipe. Ils et elles permettent souvent à l’enseigant·e de voir et comprendre des choses qu’iel n’avait pas perçues.
Il est possible d’utiliser la monnaie comme outil de remédiation. C’est à discuter en Conseil, mais il est possible de proposer un aménagement des « amendes » pour infractions ou encore des « paies » spécifiques quand l’élève concerné respecte les règles. Il convient dans ce cas de fixer en Conseil des objectifs clairs et limités à l’enfant en question.
On peut également faire des Conseils extraordinaires en l’absence de l’élève pour trouver des solutions concernant celleux qui font « exploser » les institutions. Cette option peut paraitre difficile à l’enseignant·e soucieuse de préserver le collectif. Mais il est nécessaire de préserver l’intégrité des autres membres du groupe. Peut-on tolérer l’intolérable ? Lorsque l’élève tyrannise les autres, il s’agit pour l’enseignant·e de protéger le groupe.
On peut aussi exclure temporairement l’élève, notamment par le biais d’une coopération inter-classes. L’élève a alors un emploi du temps aménagé et tourne dans différentes classes, mais de manière fixe et organisée. Que faire quand les enfants envoyés dans les autres classes y explosent aussi ? Prendre le temps que le dispositif fasse effet ? L’emploi du temps doit être discuté avec l’élève et présenté aux parents. Ces derniers sont reçu·es par deux enseignant·es (pas toujours les mêmes). Les élèves vont dans les classes avec un travail à faire. A noter que le cadre commun joue beaucoup également (règles et sanctions communes).
Dans tous les cas, même si le comportement ne change pas dans les autres classes, c’est également un moyen de se soulager.
Une école utilise un dispositif appelé « le nuage », qui repose sur un enseignant surnuméraire (rare, donc). C’est une salle à part avec des ateliers, qui nécessite une forme de contrat entre l’enfant et l’enseignant surnuméraire qui l’accueille.
Certaines classes ont un « coin bulle » dans la classe avec aucun exigence scolaire, où l’élève perturbateur doit juste ne pas déranger la classe. Les élèves peuvent y aller quand iels en ressentent le besoin (après discussion en conseil).
En tout état de cause la direction a un rôle à jouer notamment les équipes éducatives à mettre en place. Il ne faut pas rester seul·e dans ce genre de situation. Les parents, partenaires de santé, etc. doivent s’exprimer lors d’équipes.
Bref, pas de recette « miracle », ni en pédagogie « classique » ni en pédagogie coopérative. Tout simplement parce qu’on demande beaucoup trop à l’école et qu’on lui donne toujours moins… Les pédagogies actives, coopératives ne peuvent se substituer au manque de soins (psychiatrie, CMP, etc.), même si l’on peut se demander si la réponse thérapeutique est toujours appropriée, et si l’on écarte pas un peu trop rapidement les solutions pédagogiques… Mais nous gardons toujours la préoccupation que le Conseil reste l’institution centrale qui valide et entérine les décisions concernant le groupe et les individus qui le composent.