Le plan de travail… et sa logistique

La pédagogie Freinet repose sur le libre choix d’au moins une partie du travail par l’élève, partie la plus importante possible même si elle est variable selon les enseignants, les enfants, les circonstances, les moments de l’année, etc. Cela suppose qu’on ait à l’emploi du temps des moments réguliers consacrés au travail individuel.

Le plan de travail est matérialisé par une feuille de route qui peut prendre diverses formes, du A5 au A3 en passant par des carnets, des recto-verso, etc.

L’élève peut y planifier son travail et s’engager à réaliser telle ou telle tâche, ou bien au contraire n’y noter que ce qui a été effectivement réalisé. L’enseignant·e peut, selon les cas, y noter des travaux obligatoires, guider plus ou moins le travail, pré-remplir le plan ou laisser l’élève complètement libre.

Comment faire le bilan de ce PDT ?

Le bilan peut être fait à la date de fin prévue, la même pour toute la classe. La durée du Plan de travail peut aussi être différente : une, deux ou trois semaines, selon le choix de l’enfant, ou bien selon l’indication de l’enseignant·e.
Certain·es d’entre nous proposent au contraire un PDT très rapide : 2 jours seulement, après quoi la feuille est changée.
Certain·es attendent qu’il y ait un travail fait dans chaque rubrique (ex : poésie, texte recopié, mini-fichier de maths, ceintures de français…) pour valider le PDT.
Dans le secondaire, il peut y avoir un bilan du travail individualisé toutes les 3 semaines avec une auto-évaluation « le travail dont je suis fièr·e ; les difficultés que je rencontre ; les objectifs que je me fixe ». Ecrire librement le travail qu’on a fait permet de nommer ce que l’on fait et de conscientiser le travail accompli, les bénéfices retirés, la suite à donner.
Il peut également y avoir une « foire aux maîtres et aux maîtresses », chaque élève devenant une ressource pour les autres. Les élèves s’inscrivent sur une affiche ou un tableau en deux colonnes : (1) j’ai une difficulté / j’ai besoin d’aide / je n’ai pas compris ; (2) j’ai appris / j’ai découvert / j’ai compris…
Le rendez-vous de bilan peut être par équipes (îlots ou groupes) au lieu d’être individuel, ce qui fait gagner du temps : une équipe chaque semaine.
Pour les classes qui utilisent une monnaie de classe, le PDT est payé (avec un barème des travaux, et déduction des éventuelles amendes), la monnaie servant principalement à payer des objets sur le marché intérieur. Dans ce cas, la périodicité des bilans / paiements et des marchés intérieurs doit être coordonnée, pour que les élèves aient toujours de la monnaie au marché.

Comment valoriser le travail fait, et tirer l’élève vers plus de réussites ?

Il s’agit d’inciter l’élève à développer son autonomie et/ou à accomplir davantage de travaux, donner le maximum, sur ces temps de travail individualisés ou la tentation peut exister pour certain·es de ne pas travailler du tout !
Une solution consiste à attribuer à chaque élève un degré d’autonomie : (1) c’est l’enseignant qui décide de mon travail (2) je choisis une partie de mon travail (3) je choisis librement tout mon travail. Ce degré d’autonomie sera attribué après le premier PDT de l’année, en fonction du nombre de travaux effectués, et sera réévalué après d’autres PDT selon les résultats.
Cela peut aussi consister à distinguer les élèves en autonomie, les élèves en tutorat, et les élèves « sous tutelle ».
Au verso du PDT, l’enseignant·e peut inscrire les prochaines choses à faire.
La monnaie de classe peut servir à motiver l’élève et l’inciter à remplir de mieux en mieux son plan de travail. Ce n’est pas une finalité ultime mais un passage parfois nécessaire qui aide l’élève à grandir.

Une question se pose dans une classe dite coopérative : doit-on laisser les élèves travailler à deux ? Nous remarquons que pour coopérer, il faut déjà opérer tout simplement. C’est-à-dire qu’il faut travailler seul·e avant de travailler à plusieurs. C’est la raison pour laquelle dans nos ceintures de comportement, « savoir travailler seul·e » est souvent une compétence de ceinture plus « petite » ou « claire » et « savoir travailler à deux » est placé dans des ceintures plus « grandes » ou « foncées ». Nous avons souvent l’illusion que laisser les élèves travailler à plusieurs sera bénéfique et leur apprendra la coopération. En réalité, quand des élèves travaillent à plusieurs, il y a souvent l’un·e d’eux qui travaille davantage, se concentre et avance. Et l’autre qui en retire moins de bénéfice, et passe l’heure à bavarder sans vraiment travailler. Pour déjouer ce piège, il faut donc que l’enfant travaille d’abord seul, avant de pouvoir travailler à deux.

Que faire avec les élèves qui ne remplissent pas leur plan de travail ?

L’enseignant·e peut « inviter » l’élève à s’assoir à une table proche de son bureau, l’aider plus régulièrement, lui laisser moins d’autonomie.
Les degrés ou niveaux d’autonomie peuvent être une manière de régler ce problème : l’élève ne choisit pas son travail, il choisit seulement l’ordre dans lequel il va le faire. Quand il n’arrive pas à atteindre les objectifs fixés, il perd un niveau d’autonomie, ce qui n’est jamais agréable. (invariant pédagogique n°7 de C. Freinet : « Chacun aime choisir son travail, même si ce choix n’est pas avantageux. »)
Le PDT peut être fait selon une grille de travaux obligatoires à faire, qui donnent des repères à l’enfant.
S’il y a une monnaie de classe, le travail obligatoire peut être payé « en négatif » s’il n’est pas fait.
Enfin, l’enseignant·e peut remplir le PDT pour l’élève, en surlignant chaque travail effectué.

Comment faire pour que la feuille de route soit lisible et utilisable à la fois pour l’élève et pour l’enseignant·e ?

Les techniques diffèrent, et il y a autant de mises en page de PDT que d’enseignant·es !
Feuilles vierges ou tableaux pré-remplis, texte ou icônes et logos, photos d’ateliers pour les maternelles… Le travail à faire doit être à la fois spécifié de manière précise, sans que la feuille soit trop remplie. L’enseignant·e peut modifier la mise en page en fonction du travail en cours, ou au contraire garder le même PDT toute l’année, en laissant les cases libres au bons soins de l’élève.
Pour repérer ce qui est fait et ce qui reste à faire, l’enfant peut cocher, surligner, coller une gommette…
Ce qui simplifie le choix pour l’élève est de partir d’une liste fermée de travaux proposés, tout en laissant éventuellement une case libre pour les projets personnels.

Comment vérifier que le travail est effectivement réalisé ?

L’enseignant·e peut choisir d’imprimer le PDT en double pour l’élève et pour l’adulte, et de valider sur son exemplaire à chaque fois qu’un travail est fait (temps estimé : 45 minutes par semaine).
Les réalisations et réussites peuvent aussi être reportées dans un livret ou porte-vue spécifique, dans lequel les dates sont indiquées, afin que rien ne soit oublié, mais aussi qu’un même travail ne soit pas compté deux fois…

Comment faire pour que ce dispositif ne soit pas trop chronophage pour les enfants et pour les adultes ?

Chaque enseignant·e apprécie à sa guise ce qui lui paraît acceptable comme temps à accorder à la validation des plans de travail et à l’aide individualisée : prendre une équipe par semaine, valider les bilans sur les temps d’APC, utiliser une plage de travail individualisé par groupe, valider au fil de l’eau, raccourcir ou rallonger le délai de réalisation, corriger à son bureau sur le même temps ou différer la correction en utilisant des bannettes « à corriger », des « passeports de classe » ou des « tétra-aides »… autant de stratégies que de maîtres et maîtresses. Comme d’habitude, il n’y a pas une seule bonne solution, chacun·e d’entre nous essayant de bricoler artisanalement des dispositifs toujours en évolution !

Comment aider les enfants sur les temps de travail individualisé sans que cela monopolise l’enseignant et sans gêner les autres élèves ?

Dans notre groupe, chaque enseignant a une méthode différente. En voici quelques unes : les élèves font la queue au bureau du maître avec un maximum de 3 ou 4. Ou bien les élèves disposent d’un « passeport » qu’ils/elles déposent dans une boite dédiée sur le bureau quand ils/elles ont besoin d’aide. Ou encore ils s’inscrivent sur un tableau.
D’une manière générale, les dispositifs de classe coopérative, tels que les tableaux des ceintures, permettent de chercher de l’aide auprès d’un autre élève plutôt qu’auprès de l’enseignant·e. Ainsi, un tableau des ceintures de maths permet de connaître le niveau de chaque camarade. Il suffira donc à l’élève qui passe une ceinture orange de calcul de regarder ce tableau pour connaître le nom d’un·e camarade qui a déjà validé cette ceinture et pourra l’aider.
Un tableau d’aide peut aussi se présenter en colonnes : « j’ai besoin d’aide pour… » et « qui peut m’aider ?». Les élèves disponibles et se sentant capables d’aider sur un point particulier peuvent ainsi se manifester.

Comment faire pour que le temps de travail individualisé soit calme alors que tout le monde y fait des choses différentes et que certains travaillent en groupe ?

Dans beaucoup de nos classes, il y a un « code des sons » qui varie en fonction des temps de la journée : silence complet, chuchotements autorisés, parole partagée, etc. Une solution consiste à distinguer les temps de « travail individualisé entraînement » qui impliquent le silence, et les temps plus créatifs (« ateliers de création » ou « travail individualisé création ») qui supposent un peu plus de bruit. Cela dans le but d’éviter des bruits de marteau, des déplacements, des paroles, tandis que d’autres ont besoin de silence pour se concentrer sur un exercice de géométrie ou d’orthographe.