Faire classe dehors
Faire classe dehors ; sortir des murs de l’école ; pratiquer la classe promenade comme Célestin Freinet ; faire de l’étude du milieu ; utiliser le corps et les cinq sens pour apprendre ; se promener, déambuler, voir du paysage, découvrir son quartier ; s’éduquer à l’environnement sans faire du greenwashing ; pratiquer le jeu libre ; sauter dans les flaques sans craindre de se salir ; apprendre à reconnaître les plantes, les animaux ; pratiquer les sciences naturelles et humaines à partir d’un vécu… Autant d’idées, à la fois proches et différentes, que nous avons évoquées, analysées au cours d’un atelier à l’école Lesseps le 20 mai 2022.
Un exemple en maternelle
Une collègue pratique en maternelle une sortie tous les vendredis matins, quelle que soit la météo. Les enfants ont à l’école une paire de bottes chacun, des imperméables et des sur-pantalons (car comme le dit un proverbe nordique « il n’existe pas de mauvais temps, il n’existe que de mauvais équipements »).
Selon les conseils de l’AGEEM elle emporte une bâche plastique sur laquelle se poser (sans chaussures). La sortie se déroule comme suit : regroupement, jeu libre, ateliers, réunion et petit goûter, ateliers (type : abécédaire ; trouver les couleurs dans la nature ; numération avec des objets de la nature…).
L’enseignante fait des photos et les colle dans un carnet collectif où les photos sont commentées (dictée à l’adulte). Elle emporte parfois un petit chariot avec des objets, des livres, etc. Les enfants se posent sur la bâche et peuvent lire.
Toutes les trois semaines, une balade plus longue est faite, toujours en « sortie de proximité ». Les enfants marchent dans les flaques, la boue… Bref ils font toutes les choses que recense l’initiative canadienne « 50 choses à faire absolument avant 11ans 3/4 ».
Un autre exemple en maternelle
Des collègues sortent régulièrement au parc proche de l’école, mais on y découvre autre chose que l’aire de jeux. On ramasse des choses, on compare les saisons, on voit ce qui a changé, on fait un parcours fléché pour aller dans tous les endroits… On observe aussi le trajet dans le quartier : où est l’école par rapport à ici ? Qui vit dans cet immeuble ? Les enfants remarquent, observent, font des rapprochements : c’est ici que je vais chez le dentiste, etc.
Un exemple en élémentaire
Une collègue sort régulièrement au « jardin remarquable » de la Reynerie, avec des loupes, des boites à insectes, des épuisettes et sacs en plastique… Les enfants observent et collectent des tas de choses (fleurs, feuilles, animaux…). De retour à l’école on analyse la « récolte » en commençant par la trier. Le tri soulève de nombreuses questions, qui sont résolues par des débats avec clés de détermination à l’appui (quelle est cette plante ? Cet animal est-il un insecte ? Cet objet est-il vivant ou non-vivant ?) ou approfondies ensuite par des recherches et exposés. Un herbier est réalisé. Ainsi tout le programme de sciences de cycle 2 est largement abordé.
D’autres idées en élémentaire
On peut faire classe normalement, mais dehors. Ainsi au cours d’une promenade, on s’arrêtera ici pour faire un rituel de calcul, puis là pour faire un peu de grammaire..
On peut sortir pour lire dehors un quart d’heure.
On peut sortir dans l’école.
On peut sortir au même endroit à différentes saisons.
On peut chercher un endroit où l’on entend le silence.
Un exemple au lycée
Les élèves peuvent réaliser une « cartographie sensible » à l’aide de leurs cinq sens. Ainsi, on créera une carte des odeurs qu’on a senties, une autre des bruits qu’on a entendus… On peut aussi repérer les mots lus sur des affiches, des graffitis, des publicités, des enseignes, pour en faire à la fin un poème.
La balade à « lunettes »
On divise la classe en plusieurs groupes et chaque groupe chausse des « lunettes » différentes : les lunettes mathématiques permettent de repérer tout ce qui est mathématique dans l’environnement (formes géométriques, mesures, objets dénombrables ou calculables, etc.) ; il existe aussi les lunettes géographiques, les lunettes historiques (ainsi l’association « La gargouille » au Mirail fournit de vieilles photos qui permettent de visualiser les changements du quartier dans le temps), les lunettes poétiques, les lunettes artistiques… Chacune permet de voir la même réalité sous un autre angle… Ensuite, on fait tourner les groupes pour que chaque élève ait chaussé toutes les lunettes successivement.
Ces balades peuvent se faire même dans la cour de l’école.
Quelques écueils et questions
Doit-on inviter les parents ? En maternelle, l’enfant dont le parent est présent peut adopter un autre comportement… Parfois les parents ne sont pas très efficaces dans l’encadrement. Idéalement, il faudrait que tous les parents viennent au moins une fois. Le problème, c’est que certains parents ne comprennent pas l’utilité de ce qui est fait, car ils ne voient que la sortie et non l’exploitation qui en est faite après en classe.
Doit-on laisser les élèves déambuler par groupes, seuls ? Théoriquement c’est interdit. Toutefois pour les lycéens, il existe bien des moments de « quartier libre » lors des voyages à l’étranger. De même les profs d’EPS sortent parfois seuls avec les élèves. Il faut en tout état de cause poser un horaire et un périmètre. En élémentaire les ceintures de comportement peuvent aider à déterminer qui est responsable et qui l’est moins…
Que faire si un.e élève se blesse au cours d’une sortie ? On appelle un autre adulte qui reconduira le groupe à l’école. Pendant ce temps on appelle le SAMU ou les pompiers et on reste auprès de l’élève blessé.e.
Sortir « dehors » et découvrir son environnement, est-ce uniquement sortir dans la « Nature » ? Pas forcément. L’étude du quartier, même si celui-ci est fait de tours et de béton, permet d’apprendre à nommer, à parler de sa vie quotidienne, à apprendre à regarder, à cartographier… Comme en témoigne l’expérience d’Isabelle Cambourakis relatée dans la Revue Z, même en milieu urbain, l’école peut s’emparer de ces expériences pour faire du lien et produire du savoir…
Bref, on peut sortir avec toutes sortes d’objectifs différents et de pratiques variées. Quoi qu’il en soit, ce type de sorties correspond bien à la notion inventée par C. Freinet : la classe-promenade.