Les créations mathématiques : comment les pratiquer ?
Pour pratiquer le « texte libre mathématique », on peut choisir différents formats : classe entière, demi-groupes, plus petits groupes… Et différentes périodicités, même si une régularité semble recommandée : par exemple deux fois 40 minutes par semaine. Le texte libre mathématique se pratique du cycle 1 au cycle 3 et sans doute même 4.
Voici un exemple pratiqué en classe entière (multiniveau du CE1 au CM2).
On donne 5 minutes aux élèves pour créer. La consigne de départ est toujours la même : « À l’aide de traits, de points ou de symboles, faites une création mathématique ou un texte libre mathématique. » Ajouter « texte libre » va éviter que la géométrie soit sur-représentée, même si c’est presque toujours le cas au début. Ceci n’est pas grave, c’est même nécessaire car les enfants ont besoin de travailler sur l’espace et se l’approprier.
On peut aussi, en fonction des besoins, limiter volontairement les créations à un domaine : mesures ou numération…
On ne donne pas d’outils géométriques (règles, équerres, compas…). Cela est dur à comprendre pour les enfants, mais on ne travaille pas sur LE carré ou LE cercle mais sur l’IDÉE du carré ou du cercle… D’ailleurs, n’écrit-on pas sous un tout petit carré « 4 mètres »? Ce carré fait-il vraiment 4 mètres de côté ? Non, et pourtant il faut le croire puisque c’est sur une idée que l’on travaille. Tant pis si les angles droits ne sont pas parfaits. Tant pis si les côtés ne sont pas parfaitement égaux. Cela va les aider à comprendre ce que sont ou ne sont pas les mathématiques. Les mathématiques sont un langage permettant de représenter le réel.
Quand tout le monde a terminé sa création, on choisit (au hasard) deux ou trois (maximum) créations. Chaque création sera étudiée à son tour, au cour des séances successives. On refera faire des créations quand le stock en sera épuisé.
En affichant les deux créations, on pose la question : « Que voyez-vous de mathématique ? » Cette question a son importance, car on n’est pas en train de chercher ce que le dessin représente. Ce n’est pas de l’art plastique. Ce n’est pas « ressemblant ». Ce n’est pas « un sapin » ou « une cible » ou « une maison »… Ce qui compte, c’est ce qu’il y a de mathématique là-dedans. Les élèves peuvent être préalablement habitués à trouver ce qui est mathématique par le biais des balades mathématiques (avec possibilité de prendre des photos, par exemple chaque enfant peut prendre deux photos). Dans ce cas, on ne dit pas « grille », « maison », « panneau » mais on essaye d’employer des termes mathématiques en commentant les photos.
On donne la parole en priorité aux plus petits, ou plus petites « ceintures » de mathématiques.
Pour approfondir ce qu’il y a de mathématique, on pose des questions sous la forme « Et si… ? ». Et si on prolongeait la figure ? Et si on ajoutait des carrés en haut ? Et si on essayait de reproduire cette figure ? Et si on complétait la suite ? Et si on trouvait d’autres équivalences ? Et si on ajoutait des nombres ? Au tableau, un élève essaye de reproduire, prolonger, tracer, compléter… Les autres vérifient. Attention, il ne s’agit pas d’améliorer une oeuvre comme on le fait avec le texte libre.
A ce moment-là, le vocabulaire se précise ou se découvre. On peut être amenés à citer des notions qui sont au-delà du programme (homothétie, parallaxe, théorème de Pythagore). On peut chercher les notions abordées dans le « Dictionnaire des mathématiques » de Stella Baruk. On peut chercher à savoir comment ces notions ont été inventées au fil des siècles. On peut découvrir que le signe = n’indique pas forcément le résultat d’une opération, mais bien une égalité. Par exemple 5 x 5 = 15 + 10 = 0, 25 x 100 = 5 + 5+ 5+ 5 + 5, etc.
Dans un premier temps, on ne demande pas l’intention de l’auteur.e, qui n’interviendra qu’à la fin, sans quoi cela orienterait le débat. En règle générale, les commentaires n’ont que très peu à voir avec l’intention de l’auteur.e.
Après le développement conceptuel sur les créations choisies, l’enseignant.e en fait un compte-rendu. Ce document peut comprendre les créations scannées ou pas. Il peut contenir toutes les notions vues, ou bien être décomposé en « leçons » ad hoc. Il peut déboucher – ou pas – sur de petits exercices visant un point précis découvert ou redécouvert ce jour-là.
Cet article est le compte-rendu d’un atelier réalisé lors de notre réunion à Sengouagnet en avril 2022. Nous, enseignant.e.s de cycles 1, 2 et 3, nous sommes mis en situation et avons créé puis exploité nos créations collectivement.
Et vous, comment pratiquez-vous le texte libre mathématique ? N’hésitez pas à commenter l’article pour nous faire part de vos pratiques.
Merci pour ce compte-rendu fort intéressant, qui me redonne envie 😉
Nous avions sérieusement tenté l’expérience une année, un peu découragé.e.s par des embûches (représentations figuratives, géométrie présente à 95%, temps à trouver dans la semaine…) que cet article permet d’envisager de dépasser…